Les mutilations sexuelles féminines (MSF), qui désignent toutes les formes d’interventions non thérapeutiques aboutissant à une ablation ou une altération des organes sexuels féminins, ont des conséquences délétères sur la santé. En 2018, elles concernent plus de 200 millions de femmes et de filles dans le monde selon l’UNICEF. Cet article fait le point sur l’état des connaissances les plus récentes en matière de législation dans les États du Sud, comme ceux du Nord, concernés directement ou indirectement, compte tenu des migrations de certaines diasporas. Par ailleurs, les études menées récemment en santé publique ont montré l’ampleur et la diversité des séquelles liées à ces pratiques et elles ont permis le développement de dispositifs de prise en charge des MSF.Haut de page
Plan
L’évolution du contexte législatifLes outils juridiques en FranceEn matière de droit civilEn matière de droit pénalLégislations étrangères interdisant ou restreignant la pratique des mutilations sexuelles fémininesEn AfriqueEn EuropeLégislations spécifiquesLégislations générales s’appliquant aux MSFHors Europe : Australie, États-Unis et CanadaLes chirurgies de réhabilitation et leur lente reconnaissanceLa réparation clitoridienne ou « transposition du clitoris »ConclusionHaut de page
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1Les mutilations sexuelles féminines (MSF)1, qui désignent toutes les formes d’interventions non thérapeutiques aboutissant à une ablation ou une altération des organes sexuels féminins, ont des conséquences délétères sur la santé. En 2018, elles concernent plus de 200 millions de femmes et filles dans le monde selon l’UNICEF.
2Les victimes, ou comme elles préfèrent se dénommer elles-mêmes « les survivantes » ou les « victorieuses », peuvent aujourd’hui faire le choix d’obtenir « réparation ». Certaines sont « reconnues » comme « victimes » par le droit et obtiennent une « réparation » à la fois symbolique et/ou un dédommagement financier, par la pénalisation des MSF. Que ce soit la législation française, européenne ou d’autres continents, comme vous le découvrirez de façon approfondie ci-dessous, les législations visant à condamner ces pratiques traditionnelles sont de plus en plus nombreuses et de plus en plus appliquées.
3Mais pour « les femmes qui le désirent, elles peuvent également, dans certaines grandes villes, bénéficier d’un autre type de « réparation », à l’origine strictement chirurgicale, qui évolue vers une prise en charge pluridisciplinaire pour celles qui le souhaitent. Cette offre est encore très limitée, parfois coûteuse, et encore insuffisamment documentée et validée par les sociétés savantes et la communauté scientifique au sens large. Par conséquent, cet article se concentrera sur les aspects juridiques.
L’évolution du contexte législatif
Les outils juridiques en France
4Les mutilations sexuelles féminines (MSF) sont accompagnées par des souffrances physiques et psychiques conformes à la qualification de « torture » prévue par l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants »). Les MSF sont à la fois des violences faites aux femmes et des maltraitances commises contre des enfants, ainsi, elles constituent une atteinte aux droits fondamentaux de la personne, notamment à l’intégrité physique et psychologique, et à la santé.
5En vertu de la Convention du Conseil de l’Europe, dite Convention d’Istanbul, ratifiée par la France en juillet 2014 sur la prévention et la lutte contre les violences à l’égard des femmes et la violence domestique du 11 mai 2011, aucun acte de violence à l’encontre d’une femme ne peut être justifié par « la culture, la coutume, la religion, la tradition ou le prétendu ‘honneur’ ».
6La question de l’excision en France est apparue avec l’augmentation de l’immigration originaire des pays d’Afrique subsaharienne, notamment d’une partie des anciennes colonies de l’Afrique occidentale française et d’Afrique équatoriale française, qui recouvre peu ou prou, l’ensemble de l’Afrique de l’ouest francophone, qui conserve partiellement certaines traditions comme l’excision.
- 2 Isabelle Gillette-Faye, « Lutter contre l’excision », Les Temps Modernes, Éditions Gallimard, N°6 (…)
- 3 Armelle Andro, Marie Lesclingand, « Les mutilations sexuelles féminines : le point sur la situati (…)
- 4 Ngianga Bakwin Kandala, Martinsixtus Ezejimofor, Olalekan A. Uthman et al., «Secular trends in th (…)
- 5 Corinne Fortier, « Sculpter la différence des sexes. Excision, circoncision et angoisse de castra (…)
7Cependant, depuis les années 1980, progressivement, en contexte migratoire, la pratique se raréfie et le risque d’être excisée sur le territoire français est très faible, bien que le risque zéro n’existe pas2. En revanche, il peut persister lors de voyages dans le pays d’origine des familles3. Et ce, malgré une baisse importante de ces pratiques pour les filles de 0 à 14 ans sur le continent africain, seul continent pour lequel nous disposons de données quantitatives fiables4. En outre, le repli identitaire commun à toutes les populations en exil peut constituer un biais scientifique pour analyser plus finement les résultats. Les diasporas pouvant également agir pour le maintien de traditions en voie de disparition. Seul un travail interdisciplinaire croisant les données démographiques, sociologiques et anthropologiques, mais également historiques et géographiques permettrait de pondérer l’approche quantitative, par une approche qualitative. À titre d’exemple, l’article de Corinne Fortier5 dans la société maure de Mauritanie, sur la thématique notamment de l’excision, permet une vision plus affinée à l’échelle d’une population et d’un territoire donné tout en insérant cette analyse dans une perspective comparée plus large.
En matière de droit civil
8Il faut souligner trois dispositions permettant la protection contre les actes néfastes au corps. Selon l’article 16 du Code civil : le respect du corps humain est garanti dès le commencement de la vie. L’article 16-1 du Code civil précise que chacun a le droit au respect de son corps qui est inviolable. Ainsi, le juge peut être saisi et il peut prescrire toutes mesures propres à empêcher ou à faire cesser une atteinte illicite au corps humain selon l’article 16-2 du Code civil en rendant une ordonnance de protection.
9Deux types de magistrats peuvent être saisis, le juge des enfants ou celui aux affaires familiales. L’article 375 du Code civil modifié par la loi du 16 mars 2016 permet au juge des enfants d’intervenir « si la santé, la sécurité ou la moralité d’un mineur non émancipé sont en danger (…) ».L’initiative de cette requête peut appartenir aux père et mère conjointement, ou de l’un d’eux, à la personne ou au service à qui l’enfant a été confié ou au tuteur, à la mineure elle-même ou au ministère public. Ce texte s’applique à tous les enfants vivant sur le territoire français, quelle que soit leur nationalité.
10L’excision ou la menace d’une excision pour une mineure peut aussi justifier l’intervention du juge aux affaires familiales. Celui-ci peut priver un parent de son droit de visite pour le soustraire à son autorité et préserver l’équilibre de l’enfant. Le juge peut aussi selon l’article 378-1 du Code civil retirer totalement l’autorité parentale si les parents, par des mauvais traitements, défaut de soin ou par manque de direction, compromettent la santé, la sécurité ou la moralité de leur enfant. Si l’excision a été pratiquée par un parent ou sur sa demande à l’insu de l’autre parent, ce dernier peut faire une action en responsabilité civile. Les majeures peuvent aussi saisir le juge aux affaires familiales en cas de danger en vertu de l’article 515-10 du Code civil. Les mesures sont prises pour une durée maximale de six mois à compter de la notification de l’ordonnance de protection. Elles peuvent être prolongées. En vertu de l’article 1240 du Code civil, l’excision peut entraîner une condamnation à des dommages-intérêts pour réparation du préjudice subi par la mineure excisée. Cet article est applicable également pour les filles majeures.
En matière de droit pénal
11En France, l’arrêt du 20 août 1983 de la chambre criminelle de la Cour de cassation a reconnu le caractère criminel des MSF, en estimant que l’ablation du clitoris était une mutilation au sens du Code pénal français. Cette affaire à l’origine concernait une mère franco-française d’origine bretonne, souffrant de graves troubles psychiatriques, qui entre autres maltraitances a coupé à vif une partie du sexe de sa fille. Ainsi, grâce aux parties civiles, notamment Maître Linda Weil-Curiel, représentante à l’époque la Ligue du Droit des Femmes, puis la CAMS, les MSF sont devenues des crimes relevant de la cour d’assises. Si aucune disposition spécifique ne condamne ni ne sanctionne l’excision, cette pratique tombe sous le coup des articles relatifs aux violences volontaires. Elles sont considérées comme des mutilations volontaires, voire des mutilations intentionnelles.
12Les peines prévues pour l’auteur d’une mutilation et pour le (les) responsable(s) de l’enfant mutilée sont définies par le Code pénal. L’article 222-9 du Code pénal concerne des violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente qui sont punies de dix ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende. L’article 222-10 du Code pénal aggrave la peine à quinze ans de réclusion criminelle si la mutilation est commise sur un mineur de moins de quinze ans. Le même article prévoit que la peine encourue est portée à vingt ans de réclusion criminelle lorsque l’infraction est commise sur un mineur de 15 ans par un ascendant légitime, naturel ou adoptif ou par toute autre personne ayant autorité sur le mineur.
13L’article 222-7 du Code pénal concerne des violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner qui sont punies de quinze ans de réclusion criminelle. L’article 222-8 du Code pénal aggrave la peine à vingt ans de réclusion criminelle lorsqu’elle concerne un mineur de quinze ans. Le même article impose une peine de trente ans de réclusion criminelle si elle est commise par un ascendant ou toute personne ayant autorité sur ce mineur. L’article 222-1 du Code pénal concerne la torture ou des actes de barbarie qui sont punis de quinze ans de réclusion criminelle. L’article 222-3 prévoit une peine de vingt ans de réclusion criminelle s’ils sont commis sur un mineur de quinze ans. La peine encourue est portée à trente ans de réclusion criminelle par le même article lorsque l’infraction est commise sur un mineur de quinze ans par un ascendant légitime, naturel ou adoptif ou par toute autre personne ayant autorité sur le mineur. L’auteur de tentative de ces crimes est toujours puni de la même peine que l’auteur de l’infraction.
14La loi du 5 août 2013 a introduit deux nouveaux délits par l’article 227-24-1 du Code pénal qui sont punis de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende. D’une part :« Le fait de faire à un mineur des offres ou des promesses ou de lui proposer des dons, présents ou avantages quelconques, ou d’user contre lui de pressions ou de contraintes de toute nature, afin qu’il se soumette à une mutilation sexuelle est puni, lorsque cette mutilation n’a pas été réalisée ». Et d’autre part, « le fait d’inciter directement autrui, par l’un des moyens énoncés au premier alinéa, à commettre une mutilation sexuelle sur la personne d’un mineur, lorsque cette mutilation n’a pas été réalisée ».
15Ces délits relèvent de la compétence du tribunal correctionnel. La loi française est applicable à toute personne (majeure) vivant sur le territoire national, mais également à l’étranger. Dans ce cas, l’auteur du crime, qu’il soit français ou étranger, pourra être poursuivi en France, à condition que la victime soit de nationalité française (art. 113-7 du Code pénal) ou, si elle est étrangère, qu’elle réside habituellement en France (art. 222-16-2 du Code pénal). En France, la loi protège tous les enfants qui vivent sur son territoire, quelle que soit leur nationalité ou leur origine. L’article 222-16-2 s’est inscrit dans le Code pénal depuis la loi du 4 avril 2006 qui s’applique aux mineures de nationalité étrangère résidant habituellement en France et qui sont victimes à l’étranger de MSF. Dans ce cas, il s’agit d’une exception à l’article 113-8 du Code pénal : une plainte de la victime, une dénonciation officielle par l’autorité du pays où les faits ont été commis, ou une plainte par les parents ne sont pas requises pour qu’une poursuite soit exercée par le Ministère public. Les parents (mais il faut préciser ainsi que toute personne) peuvent être également poursuivis en tant que complices en vertu de l’article 121-7 alinéa 1 du Code pénal si la mutilation a été pratiquée sur le territoire français ou à l’étranger à condition que la victime soit de nationalité française (art. 113-7 du Code pénal) ou, si elle est étrangère, qu’elle réside habituellement en France (art. 222-16-2 du Code pénal). Selon la disposition de 121-6, les complices encourent la même peine que l’auteur de l’infraction.
- 6 Les délais de prescription en cas de viol pour les mineurs sont passés de 20 à 30 ans, après la m (…)
16De plus, les parents peuvent être poursuivis également en tant que complices lorsque la mutilation a été commise à l’étranger aux conditions restrictives de l’article 113-5 du Code pénal. Plus clairement, le fait d’envoyer sa fillette au pays d’origine des parents ou dans un autre pays par exemple du Conseil de l’Europe, afin de la faire exciser, est un acte de complicité. Cet acte expose les responsables à des poursuites judiciaires en France. Il faut bien préciser que selon l’ordre public français, le mobile, c’est-à-dire les motifs personnels, n’influencent juridiquement ni l’existence et le caractère intentionnel de l’infraction, ni sa qualification. Ainsi, les arguments pour commettre une excision se fondant sur des traditions locales ne sont pas admis sur le plan législatif ou juridique, uniquement le cas échéant par voie jurisprudentielle. Enfin, depuis la loi du 27 février 2017, le délai de prescription pour les crimes sexuels a été porté à 20 ans après la majorité de la victime (article 7 du Code de procédure pénale) et à six ans pour les délits (article 8 du Code de procédure pénale). Ainsi, de la même manière que pour les victimes de viols durant leur minorité, les victimes de MSF peuvent porter plainte jusqu’à leurs 38 ans6.
- 7 Isabelle Gillette-Faye, La Judiciarisation de l’excision : historique, Paris, Édition GAMS, novem (…)
17De nombreux procès ont eu lieu en France. Ceux-ci ont abouti à la condamnation de parents et de trois exciseuses. Des peines importantes et fermes ont été prononcées à l’encontre de femmes ayant pratiqué des MSF. Certains parents ont été punis de peines de prison avec sursis, de peines de prisons fermes et d’amendes importantes. Dans un avis rendu le 11 décembre 2013, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) comptait 30 condamnations pénales en France depuis 1979 à l’encontre de parents et d’exciseuses. Le dernier procès en cour d’assises a eu lieu en 2012, à Nevers7.
Législations étrangères interdisant ou restreignant la pratique des mutilations sexuelles féminines
En Afrique
- 8 Isabelle Gillette-Faye, ibid.
- 9 Isabelle Gillette, La polygamie et l’excision dans l’immigration africaine en France, analysées s (…)
18Le Soudan est le premier pays africain8 à légiférer contre l’excision et à avoir déclaré l’infibulation illégale en 19499. Les pratiques considérées comme moins invasives, comme l’excision, étaient toutefois permises. En 2003, les autorités ont fait passer un décret visant à interdire au personnel de santé de pratiquer toutes formes de mutilations sexuelles féminines ainsi que la ré- infibulation (après accouchement notamment). Puis avec l’évolution du Code pénal, si les mutilations sexuelles féminines n’ont pas été interdites dans l’ensemble des États par le biais d’une loi nationale, toutefois, une première loi a été adoptée en novembre 2008 par l’État du Kordofan Sud qui interdit ces pratiques traditionnelles néfastes. En juillet 2009, l’État de Gedaref a emboité le pas en adoptant également une loi qui interdit la pratique des MSF.
19En Sierra-Leone, même si en 1953 plusieurs femmes de la société secrète bundu furent condamnées à des peines de prison pour avoir pratiqué une initiation forcée à l’excision, à ce jour, aucune loi n’interdit spécifiquement les mutilations sexuelles féminines. En l’absence d’une loi en octobre 2012, 8 des 14 districts du pays ont signé un mémorandum d’accord criminalisant les MSF chez les enfants — zone rurale occidentale, zone urbaine occidentale, Bo, Kambia, Port Loko, Pujehun, Bonthe et Kailahun.
20À Djibouti, les MSF sont interdites par la loi depuis 1995. En 2009, l’article 333 du Code pénal, qui érige les mutilations sexuelles féminines en infraction, a été modifié et sanctionne également tout défaut de signaler la perpétuation de ces pratiques traditionnelles néfastes aux autorités. De plus, une loi a été votée en 2009. Elle permet dorénavant aux associations œuvrant contre les MSF de se porter partie civile à la place des victimes qui ne seraient pas en mesure de recourir à la justice.
21Au Liberia en 1994, lors d’un procès, une exciseuse et des membres de la société secrète Vai Sande ont été condamnés à verser 500 $ à la famille d’une jeune fille excisée, pour blessures infligées de force et contre sa volonté. Mais il n’y avait alors aucune loi nationale prohibant les MSF.
22Ainsi, en 2017, les parlementaires du Liberia avaient enlevé les MSF du projet de loi contre les violences domestiques, affirmant que c’était une question culturelle. Mais le 21 janvier 2018, soit la veille de la passation de pouvoir à George Weah, Ellen Johnson Sirleaf, Présidente de la République, a publié un décret visant à protéger les femmes contre la violence domestique et à abolir les MSF à l’encontre des filles de moins de 18 ans, pour un an. Mais le texte n’a pas été prorogé en 2019.
23Au Ghana, les MSF ont été criminalisées en 1994. Ainsi, en mars 1995, l’exciseuse et les parents d’un bébé de huit jours ont été arrêtés et inculpés. La fillette, quant à elle, a été sauvée in extremis à l’hôpital de l’hémorragie qui a suivi son excision. En 2007, le Parlement a amendé l’article 69A : « Quiconque accomplit une mutilation génitale féminine et excise, infibule ou mutile entièrement ou partiellement la labia minora, la labia majora et le clitoris d’une autre personne commet un délit et elle peut être punie d’une peine d’emprisonnement de 5 ans minimum et de 10 ans maximum ».
24En Centrafrique, l’article 3 de la Constitution de 1995 impose que « Nul ne sera soumis ni à la torture, ni à des sévices ou traitements inhumains, cruels, dégradants ou humiliants ».Tout individu, tout agent de l’État qui se rendrait coupable de tels actes sera puni conformément à la loi. Cette dernière du 27 décembre 2006, dans son article 9, dispose que « sont considérées comme violences faites aux femmes les excisions génitales féminines y compris toutes interventions incluant l’ablation partielle ou totale des organes génitaux féminins pratiquées pour des raisons culturelles ou religieuses ou pour toute autre raison non thérapeutique ».
25Quant à la loi N° 10.001 du 6 janvier 2010 portant sur la modification du Code pénal centrafricain dans son article 69, elle dispose que « quand les violences prévues aux articles précédents auront été suivies de mutilation, amputation ou privation de l’usage d’un membre, cécité, perte d’un œil, ou autres infirmités permanentes, le coupable sera puni de deux à dix ans de prison et de 100 000 à 500 000 francs d’amende ».
26Au Burkina Faso, en octobre 1988, le gouvernement a créé un Comité national de lutte contre la pratique de l’excision. Depuis 1996, l’excision des filles est passible de sanctions pénales. Par conséquent, le gouvernement a promulgué la loi du 13 novembre 1996 modifiant le Code pénal dont l’article 380 impose qu’« est puni d’un emprisonnement de six mois à trois ans et d’une amende de 150 000 à 900 000 francs ou de l’une de ces deux peines seulement, quiconque porte ou tente de porter atteinte à l’intégrité de l’organe génital de la femme par ablation totale, par excision, par infibulation, par insensibilisation ou par tout autre moyen. Si la mort en résulte, la peine est un emprisonnement de cinq à dix ans ».
27De ce point de vue, le Burkina Faso est toujours cité comme un exemple de l’approche holistique de la lutte contre l’excision, avec une application rigoureuse, sans équivalent, de la loi. En effet, il se passe rarement une année lors de laquelle des condamnations ne soient pas prononcées à l’encontre des exciseuses, de leurs complices et des familles impliquées dans l’excision d’une ou plusieurs victimes. Les villageois allant parfois jusqu’à incendier les commissariats de police pour « libérer » les « mis en cause ». Mais cela ne remet pas en cause l’intégrité ni des gendarmes, ni des préfets qui appliquent à la lettre la loi, voire organisent des tribunaux « forains », pour se rapprocher des justiciables. À titre d’exemple, le 23 octobre 2015, dans le village de Saatenga (proche Diabo, province du Gourma), les gendarmes ont procédé à l’arrestation d’une exciseuse Dame M. P. R. qui percevait la somme de 2000 francs CFA pour chaque victime. Elle a été arrêtée pour avoir excisé 31 victimes. Toutefois, se pose la question des excisions pratiquées au niveau des zones transfrontalières. Ainsi à ce jour, le Mali n’interdisant toujours pas la pratique de l’excision, les familles peuvent solliciter ou se faire démarcher par des exciseuses itinérantes qui traversent la frontière entre le Mali et le Burkina-Faso.
28En Égypte, le décret sur les MSF date du 8 juillet 1996. Il impose l’interdiction de cette pratique. L’Égypte avait adopté en 2008 une loi punissant les excisions de trois mois à deux ans d’emprisonnement à la suite du décès d’une petite fille de 11 ans victime de MSF. Le 29 novembre 2016 est entrée en vigueur une loi qui aggrave jusqu’à quinze ans les peines de prison contre les personnes pratiquant l’excision, sauf en cas de « nécessité médicale ». Ainsi, un médecin égyptien a été condamné le 26 janvier 2015 pour une excision mortelle. En juin 2013, l’homme avait pratiqué une excision sur une jeune fille de 13 ans, décédée des suites de l’opération. Il a dû purger deux ans de prison pour homicide, et trois mois supplémentaires pour avoir pratiqué une excision. Le père de l’adolescente, qui avait fait appel au médecin, a pour sa part été condamné à trois mois de prison avec sursis. C’était là le premier procès relatif à l’excision en Égypte. En première instance, deux mois plus tôt, le médecin et le père avaient été acquittés. Mais le parquet avait fait appel.
29En Côte d’Ivoire, l’excision a été interdite par l’article 1 de la loi promulguée le 23 décembre 1998 qui prévoit une peine d’un à cinq ans d’emprisonnement et jusqu’à vingt ans en cas de décès de la victime. Compte tenu de la guerre civile et des différents coups d’État, la loi n’a commencé à s’appliquer que récemment. Ainsi, le 18 novembre 2010, à Soubré, une exciseuse, Soumahoro Minata, a été arrêtée pour avoir excisé 18 fillettes âgées de 2 à 6 ans. Le jour de son arrestation, elle a été arrêtée avec la mère de deux enfants, dont une âgée de deux ans, qui venaient d’être excisées. En revanche, on ne trouve aucune indication sur les peines prononcées.
30Au Sénégal, l’article 7 de la Constitution de 2001 dispose que : « Tout individu a droit à̀ la vie, à la liberté́, à la sécurité, au libre développement de sa personnalité, à l’intégrité corporelle notamment à la protection contre toutes mutilations physiques ». La loi du 29 janvier 1999 a modifié certaines dispositions du Code pénal. Ainsi, il a été ajouté l’article 299 bis : « Sera puni d’un emprisonnement de six mois à cinq ans quiconque aura porté ou tenté de porter atteinte à l’intégrité́ de l’organe génital d’une personne de sexe féminin par ablation totale ou partielle d’un ou de plusieurs de ses éléments, par infibulation, par insensibilisation ou par tout autre moyen. La peine maximum sera appliquée lorsque ces mutilations sexuelles auront été́ réalisées ou favorisées par une personne relevant du corps médical ou paramédical. Lorsqu’elles auront entrainé́ la mort, la peine des travaux forcés à perpétuité sera toujours prononcée. Sera punie des mêmes peines toute personne qui aura, par des dons, promesses, influences, menaces, intimidations, abus d’autorité ou de pouvoir, provoqué ces mutilations sexuelles ou donné les instructions pour les commettre ». Le premier procès a eu lieu en janvier 1999. Mais le 26 avril 2016, le procureur général de Dakar déplorait que seuls huit cas au Sénégal aient été jugés en dix-sept ans.
31Au Togo, l’article 1 de la loi du 21 novembre 1998 a interdit la pratique des MSF. Les sentences prévues vont de peines d’emprisonnement de deux mois à dix ans, à des amendes de 100 000 à un million de francs CFA. Toute personne qui aurait connaissance de telles pratiques dans son entourage et qui n’en informerait pas les autorités est passible d’une peine d’un mois à un an d’emprisonnement et d’une amende de 20 000 à 500 000 francs CFA.
32En Tanzanie, les MSF sont prohibées depuis la Constitution de la République unie de Tanzanie de 1998. Et l’article 13 (1) de la loi de 2009 sur les droits de l’enfant dispose qu’« une personne ne doit pas exposer un enfant à la torture, ou à une autre punition cruelle et inhumaine, ou à un traitement dégradant y compris toute pratique culturelle qui déshumanise ou qui est néfaste pour le bien-être physique et mental d’un enfant ».
- 10 GuinéeNews, en date du 13 août 2014.
33En Guinée-Conakry, l’article 6 de la Constitution de 2000 dispose que « nul ne peut être l’objet de tortures, de peines ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants ». À la suite de la création du Numéro vert 116 contre toutes les formes de violences faites aux femmes, dont l’excision, il y a eu un premier procès le 17 juillet 2014. L’exciseuse âgée de 82 ans a été condamnée à deux mois de prison avec sursis et à verser un million de francs guinéens, soit 112 €10. Puis, en 2017, six personnes ont été condamnées. L’une d’elles, une exciseuse ayant involontairement causé la mort d’une petite fille, a été condamnée à une peine de prison ferme, la plus lourde jamais attribuée pour un tel acte.
34Concernant le Tchad, l’article 9 de la loi portant sur la promotion de la Santé de Reproduction dispose que « toute personne a le droit de n’être pas soumise à la torture et à des traitements cruels, inhumains ou dégradants sur son corps en général et sur ces organes de reproduction en particulier. Toutes les formes de violences telles que les mutations génitales féminines (MGF), les mariages précoces, les violences domestiques et les sévices sexuels sur la personne humaine sont interdites ».
35Quant au Bénin, par la loi de 2003 portant répression de la pratique des MSF, la République béninoise interdit toutes les formes de MSF.
36Pour le Niger, la loi du 13 juin 2003 a introduit dans l’article 232.1 et suivants du Code pénal la répression des MSF, du viol, et du harcèlement sexuel. Ils sont désormais réprimés d’un emprisonnement de six mois à trois ans et d’une amende de 20 000 à 200 000 francs CFA. Si les MSF faites volontairement sans intention de donner la mort l’a pourtant occasionnée, le coupable sera puni d’un emprisonnement de dix à vingt ans.
- 11 Pierre Cochez, « Un patient travail contre l’excision », La Croix, 6 mai 2016.
37Pour l’Éthiopie, la Constitution de 1995 prend en compte les problématiques des MSF. L’article 35, alinéa 4 indique que : « l’État doit mettre en œuvre le droit des femmes pour éliminer l’influence de coutumes nuisibles. Les lois, coutumes et pratiques qui oppressent ou causent des atteintes physiques ou psychologiques aux femmes sont prohibées ». Le Code pénal éthiopien de 2004 pénalise la pratique de l’excision dans ses articles 565 : « Quiconque excise une femme, quel que soit son âge, est puni d’une peine d’emprisonnement pour une durée minimale de trois mois ou d’une amende qui ne peut être inférieure à 500 Birr (soit 20 euros) »,et 566 : « Quiconque pratique l’infibulation génitale à une femme, est puni d’une peine d’emprisonnement associée à des travaux forcés allant de 3 à 5 ans. Toute blessure causée au corps ou à la santé qui est le résultat de l’acte décrit à l’alinéa ci-dessus, sous réserve de provisions du Code pénal qui prévoirait des peines plus sévères, la peine applicable sera une peine d’emprisonnement de 5 à 10 ans ». En 2015-2016, des policiers sont venus arrêter des parents. Ils avaient fait exciser leur nouvelle-née, qui en est morte. Les parents sont toujours en prison. Chacun sait que, pour la première fois, la loi a été appliquée »11.
38Pour la Mauritanie, l’ordonnance du gouvernement de 2005 portant protection pénale de l’enfant dans son article 12 interdit les MSF. Comme il s’agit d’une loi visant à protéger les enfants, les MSF sont uniquement illégales en Mauritanie lorsqu’elles sont pratiquées sur des mineures. Lorsque les femmes adultes sont soumises à des MSF, il ne s’agit pas d’un crime, si bien que leurs auteurs ne peuvent pas être poursuivis.
- 12 Kardiatou Traoré, Afrik.com, 26 novembre 2014 et AFP/Newsnet, Tribune de Genève, 21 novembre 2014 (…)
39Pour l’Ouganda, la loi d’interdiction des MSF de 2010 interdit ces pratiques. Il est également punissable de discriminer une femme qui n’a pas été excisée. La première loi nationale en Ouganda interdit tous les types de MSF et punit d’une peine de prison pouvant aller jusqu’à dix ans les auteurs de MSF. En cas de décès d’une fillette à la suite de ce type d’intervention, les personnes impliquées risquent la prison à vie. Le 24 novembre 201412, cinq hommes et femmes, accusés d’avoir excisé ou d’aider à exciser des filles de l’Est de l’Ouganda (district de Kapchorwa), ont été condamnés à cinq années de prison. Concernant le Kenya, l’article 14 de la loi sur les enfants de 2001 prévoit que personne ne doit pas imposer à un enfant une MSF. Et en 2011, le gouvernement de ce même pays a voté une loi pour interdire la pratique des MSF, quel que soit l’âge des victimes.
- 13 AFP, repris par le Faitreligieux.com, le 22/11/2014.
40Pour la Guinée-Bissau en 2011, le Parlement a voté une loi interdisant l’excision. Désormais une peine de cinq ans de prison et une amende pouvant atteindre les 5 millions de Francs CFA (7 622 euros) est encourue par toute personne se rendant coupable de MSF. Le 21 novembre 2014, six personnes ont comparu devant un tribunal de Guinée-Bissau. La plainte du Comité national de lutte contre les pratiques néfastes visait deux exciseuses et les quatre parents des jeunes filles, tous originaires de la Guinée voisine13.
41Pour le Nigeria, dans un premier temps, les MSF ont été interdites par seulement 6 États fédérés sur 36 (Edo, Ogun, Cross River, Osun, Rivers and Bayelsa) sur le fondement de la Constitution de 1999. Puis, le 5 mai 2015, une loi fédérale interdit la pratique des mutilations sexuelles féminines. Elle a été adoptée par le Parlement nigérian sous le terme Violence AgainstPersons(ProhibitionAct 2015) et elle est rentrée en vigueur le 3 juin de la même année.
42Pour la Gambie, le 28 décembre 2015, l’Assemblée nationale a adopté une loi réprimant pénalement l’excision. Désormais, l’excision est donc interdite en Gambie, sous peine d’être condamné à trois ans de prison et 67 717 dalasis (soit environ 1200 euros) d’amende. Si l’acte entraîne la mort, une personne pourrait être condamnée à la perpétuité. Le 4 mai 2016, le FNUAP (Fonds des Nations unies pour la population) indique qu’il y aurait une affaire à l’instruction.
43Quant au Cameroun, la loi du 12 juillet 2016 portant Code pénal dispose dans ses articles 277 et 277-1 « qu’est puni d’un emprisonnement de dix à vingt ans celui qui procède à la mutilation de l’organe génital d’une personne, quel qu’en soit le procédé. La peine est l’emprisonnement à vie : si l’auteur se livre habituellement à cette pratique ou s’il le fait à des fins commerciales ; si la mort de la victime en résulte ».
44Pour la Somalie, l’article 15 de la Constitution de 2012 dispose que « la mutilation génitale féminine est une pratique cruelle et dégradante, et elle est une torture. Cette pratique sur les filles est interdite ».
En Europe
45La Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (dite Convention d’Istanbul) introduit, dans son article 38, que « les parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour ériger en infractions pénales, lorsqu’ils sont commis intentionnellement : l’excision, l’infibulation ou toute autre mutilation de la totalité ou partie des labia majora, labia minora ou clitoris d’une femme ; le fait de contraindre une femme à subir tout acte énuméré au point a ou de lui fournir les moyens à cette fin ; le fait d’inciter ou de contraindre une fille à subir tout acte énuméré au point a ou de lui fournir les moyens à cette fin ».
46La Convention dite d’Istanbul exige dans son article 5 que les États organisent leur lutte contre la violence à l’égard des femmes, y compris les MSF, de manière à permettre aux autorités concernées d’intervenir rapidement et efficacement contre ces actes de violence, ainsi que d’assurer la protection des femmes et des filles en danger. Plusieurs États membres du Conseil de l’Europe ont introduit dans leur Code pénal une infraction spécifique relative aux MSF, parfois sans attendre d’avoir ratifié la Convention d’Istanbul. Dans d’autres États, les MSF sont condamnées par d’autres dispositions pénales générales. Elles entrent, par exemple, dans la qualification des dommages corporels (Grèce, Luxembourg, Allemagne), des agressions (Finlande), ou encore des violences ayant entrainé la mort, une infirmité permanente ou une mutilation (France).
Législations spécifiques
47La Suède a été le premier pays de l’Europe de l’Ouest qui a mis en place une légalisation spécifique contre cette pratique en 1982. En 1998, la loi a été modifiée entraînant un changement du terme de « circoncision féminine » à « mutilation génitale féminine » ainsi que des peines plus lourdes en cas de non-respect de la loi. Puis, la loi a encore été revue en 1999 afin de permettre la poursuite dans un tribunal suédois pour une personne qui avait pratiqué des mutilations sexuelles féminines, même si l’acte avait été commis dans un pays où la pratique n’est pas considérée comme un délit. Donc, il s’agit de la suppression du principe de double culpabilité. En 2006, seules deux affaires ont été jugées.
48Au Royaume-Uni, les MSF ont été érigées en infraction pénale spécifique dès 1985 par le ProhibitionofFemaleCircumcisionAct, et le cadre juridique a été renforcé en 2003 où le terme a changé : Female Genital Mutilation Act. Les MSF sont punissables lorsqu’elles ont été commises à l’étranger. Pourtant, jusqu’en 2014, aucune poursuite relative aux MSF n’a été portée devant les tribunaux. Plusieurs raisons expliquent cette absence. D’une part, très peu de victimes portent plainte, en raison notamment de la difficulté de dénoncer ses propres parents, d’identifier les auteurs quand les mutilations ont été commises à l’étranger et quand les victimes étaient très jeunes, ou encore la pression sociale. D’autre part, le fait que les professionnels de santé, les services sociaux, le personnel éducatif ne dénoncent que rarement les MSF a été analysé comme contribuant également à l’absence de poursuites.
49C’est pour ces raisons que le Royaume-Uni a, en 2015, renforcé son dispositif juridique nommé Serious Crime Act à travers quatre mesures principales. Premièrement, il s’agit de respecter l’anonymat des victimes. Deuxièmement, la responsabilité parentale implique que si une personne a sous sa responsabilité une fille qui a subi des MSF, elle peut en être tenue pénalement responsable à moins qu’elle ne démontre que l’enfant n’était pas sous sa surveillance au moment des faits. Troisièmement, le signalement obligatoire dans les secteurs sociaux, médicaux et éducatifs qui doivent signaler à la police les filles de moins de 18 ans ayant subi des MSF lorsqu’il existe une preuve physique qu’une MSF a été commise ou lorsque l’enfant en fait la révélation. Quatrième et dernière mesure, des ordres de protection peuvent être ordonnés par un tribunal aux affaires familiales lorsqu’il existe des craintes sérieuses qu’une fille soit envoyée dans le pays d’origine de la famille aux fins d’y subir des MSF. Le premier procès au Royaume-Uni s’est soldé par un acquittement, le 4 février 2015. La victime supposée était une femme somalienne, dont le gynécologue obstétricien, le Dr Dhanuson Dharmasena, à la suite de la naissance en urgence de son enfant en 2012, a posé un point de suture pour arrêter une hémorragie.
50Pour la Norvège, il existe une loi sur l’interdiction des MSF depuis le 15 décembre 1995. Cette loi impose que « quiconque commet de manière intentionnelle un acte sur l’organe génital d’une femme qui blesse ou change l’organe génital de façon permanente est puni pour mutilation génitale féminine ». Une peine de trois ans d’emprisonnement est prévue, ou 6 ans d’emprisonnement si la pratique a pour conséquences une maladie ou incapacité temporaire de travail (ITT) supérieure de deux semaines, ou si une déformation incurable, une déficience, ou un dommage corporel a été causé. La peine est élevée à huit ans lorsque la pratique entraine la mort de la victime. La complicité est punie de la même peine. Le consentement de la victime ne permet pas de déclarer l’impunité du délinquant.
51Quant à la Belgique, elle dispose depuis le 28 novembre 2000 d’une loi spécifique condamnant les MSF. Cette loi a introduit un article 409 dans le Code pénal, sanctionnant d’une peine d’emprisonnement de trois à cinq ans « quiconque aura favorisé toute forme de mutilation des organes génitaux d’une personne de sexe féminin, avec ou sans consentement de cette dernière ». La tentative d’excision est également punissable. Depuis juillet 2014, la loi permet aussi de punir les personnes qui incitent à cette pratique ou qui en font de la publicité. La loi belge condamne les MSF, qu’elles soient pratiquées en Belgique ou à l’étranger sur une personne mineure à condition que l’auteur réside sur le territoire belge.
52Pour l’Autriche, une loi pénale spécifique, adoptée en 2001, a été inscrite dans l’article 90 du Code pénal autrichien. Cette disposition impose que « personne ne peut pas être d’accord sur la mutilation de son organe génital si cela cause un affaiblissement constant de sensation sexuelle ».Cette loi est applicable à une personne qui commet cette pratique, qui en tente ou qui en est le complice. Le principe d’extraterritorialité s’applique en punissant les MSF commises même à l’étranger.
53Au Danemark, depuis 2003, il existe une loi spécifique contre les MSF dans la section 245 a du Code pénal danois : « Quiconque attaque une fille ou une femme afin de couper ou de mutiler l’organe génital féminin extérieur de manière partielle ou totale, soit avec ou sans consentement, est puni de 6 ans d’emprisonnement maximum ». Cette loi est applicable pour tout type de mutilation y compris l’excision, la clitoridectomie, ou l’infibulation peu importe que cette pratique soit faite de façon volontaire ou de force. Par ailleurs, la tentative et la complicité sont punies également par le Code pénal. De plus, les MSF commises à l’étranger sont aussi punissables en vertu du principe d’extraterritorialité.
54Pour l’Espagne, depuis 2003, les MSF sont considérées comme des délits spécifiques et elles sont passibles de six à douze ans de prison en vertu de l’article 149.2 du Code pénal espagnol. La tutelle des parents peut même être retirée pendant quatre à dix ans. Les poursuites pénales sont aussi possibles depuis 2005, même si les MSF ont été réalisées à l’étranger. Le premier procès en Espagne a eu lieu relativement récemment. Une famille gambienne a été condamnée à douze ans de prison pour l’excision de leurs deux filles, le 1er juin 2014.
55En Italie, depuis 2006, il existe une loi pénale spécifique concernant les MSF. Il s’agit des articles 583 bis et 583 ter du Code pénal italien qui interdisent la pratique de tout type de mutilation y compris l’excision, la clitoridectomie, ou l’infibulation. Les MSF sont punissables lorsque celles-ci sont commises à l’étranger.
56Pour l’Irlande, depuis avril 2012, il existe une loi pénale spécifique contre les MSF intitulée Criminal Justice Act (Female Genital Mutilation). Elle impose que l’accusé de cette pratique ne peut être défendu sur le fondement d’une pratique rituelle des MSF ni sur le fondement du consentement de la victime. La loi prévoit une peine de quatorze ans d’emprisonnement et/ou une amende de 10.000 euros. Les MSF commises à l’étranger sont punissables. La complicité est également punie.
Législations générales s’appliquant aux MSF
57En ce qui concerne la France, l’aspect législatif a déjà été développé. Au Portugal, depuis 2007, il existe l’article 144 du Code pénal portugais qui fait référence au dommage corporel. Pourtant, le terme de MSF n’est pas mentionné de manière explicite dans le texte. Mais, les MSF peuvent être conçues comme une forme de privatisation ou d’influence sur l’accomplissement sexuel d’une personne. Les MSF sont punissables lorsqu’elles sont commises à l’étranger.
58Pour la Grèce, les cas de MSF peuvent être punis pénalement par les articles 308, 309 et 310 du Code pénal grec qui font référence aux dommages corporels graves et à ceux contre un mineur. Le principe d’extraterritorialité ne s’applique pas, ainsi, lorsque les MSF sont commises à l’étranger, elles ne sont pas punissables.
59En revanche, en Finlande, selon la loi pénale générale, tous les types de MSF sont qualifiés de fait délictueux. Les paragraphes suivants peuvent être utilisés dans le Code pénal finlandais : chapitre 21, §5 (agression corporelle), §6 (agression corporelle aggravée) et §7 (agression corporelle sur mineur). Les MSF commises à l’étranger sont punissables. Pourtant, aucune procédure concernant les MSF n’a été initiée jusqu’alors.
60Pour le Luxembourg, les articles 398 à 400 du Code pénal luxembourgeois sont applicables aux MSF. En particulier, l’article 400 de ce même Code punit « le dommage corporel intentionnel causant de manière permanente une maladie,une infirmité, une perte d’un organe ou une mutilation ».L’article 401 bis dispose que lorsque la violence prévue par l’article 400 est commise sur un mineur de moins de 14 ans, la peine est un emprisonnement entre dix et quinze ans. Si le délinquant est le tuteur ou l’ascendant de la victime, il encourt la perpétuité.
61En Allemagne, les MSF peuvent être réprimées en vertu des articles 224, 225 et 226 du Code pénal allemand. Ces articles prévoient le dommage corporel grave, la maltraitance par les parents ou personne en charge de l’autorité, le dommage corporel grave ayant pour conséquence soit la perte des parties essentielles du corps, soit l’infertilité. Les MSF sont punissables lorsqu’elles ont été commises à l’étranger. En 2011, un amendement a été proposé avec le but d’inclure une disposition spécifique sur les MSF dans le Code pénal, mais elle n’est pas encore entrée en vigueur.
62Quant aux Pays-Bas, les articles 300 à 304 du Code pénal sur les dommages corporels graves peuvent être appliqués pour les MSF. De plus, l’article 436 du même Code sur les interventions médicales non autorisées peut être aussi utilisé. Les articles 47 et 48 du même Code prévoient la punissabilité du ou des complice(s) des MSF. Les peines sont élevées si les parents ou l’époux de la victime ont commis les MSF. Ces dernières sont également punissables lorsqu’elles ont été commises à l’étranger.
63Pour la Suisse, les MSF sont interdites, mais elles ne disposent pas d’une mention spécifique dans le Code pénal suisse.
Hors Europe : Australie, États-Unis et Canada
64En Australie, les MSF sont illégales avec des peines allant de sept à vingt et un ans de prison dans les six États australiens. Mais jusqu’à l’automne 2015, nulle plainte, nulle poursuite, nulle condamnation en vertu de cette législation n’avait retenti dans les prétoires. Donc en septembre 2015, trois personnes membres de la petite communauté musulmane indienne des Dawoodi Bohras (secte musulmane chiite) installées en Australie ont comparu devant la Cour suprême australienne pour avoir pratiqué l’excision sur deux sœurs âgées de 7 ans. La sage-femme, la mère de deux des victimes et un chef spirituel des Dawoodi Bohras ont été condamnés à quinze mois de prison ferme pour avoir excisé des fillettes entre 2009 et 2012.
65Les États-Unis, quant à eux représentent un cas particulier. Alors que la pratique de l’excision est en régression dans de nombreux pays d’Afrique, comme le démontre le dernier rapport de l’UNICEF, elle est en hausse aux États-Unis. Depuis les années 1990, des avancées légales importantes sont à noter : les États-Unis ont officiellement interdit les MSF en 1996, puis le président Obama a signé en janvier 2013 la loi interdisant le vacation cutting, soit l’excision durant les vacances d’été dans les pays des parents originaires de communautés qui pratiquent l’excision, étendant ainsi la protection aux jeunes filles victimes de MSF commises à l’étranger dès lors qu’elles ont leur résidence aux États-Unis. Mais Seul Khalid Adem, un immigré éthiopien, a été poursuivi et a été condamné à dix ans de réclusion criminelle à la suite de l’excision de sa fillette de 2 ans dans la région d’Atlanta en 2001. Toutefois, la Dre Jumana Nagarwala (membre des Dawoodi Bohras, secte indienne musulmane chiite) a été accusée d’avoir réalisé des MSF dans un cabinet médical de Livonia, dans la banlieue de Detroit sur plusieurs fillettes âgées de six à huit ans. Mais comme la moitié des 50 états américains, dont le Michigan, n’ont pas de loi locale contre ce crime, elle a été acquittée avec une peine d’amende en juin 2018. Et depuis décembre 2018, le texte de loi n’est plus considéré comme fédéral ; chaque État des États-Unis devra appliquer s’il l’estime nécessaire un texte spécifique pour condamner les faits de MSF.
66Enfin, au Canada, l’article 273.3 du Code pénal canadien dispose que : « Commet une infraction quiconque agit dans le but de faire passer à l’étranger une personne résidant habituellement au Canada et qui […] est âgée de moins de dix-huit ans, en vue de permettre la commission d’un acte qui, s’il était commis au Canada, constituerait une infraction visée […] [à l’article] 268 [faisant de l’excision une infraction pénale] ».
Les chirurgies de réhabilitation et leur lente reconnaissance
- 14 Pour un article plus complet et plus documenté sur ce sujet : Armelle Andro, Marie Lesclingand.
67Les opérations chirurgicales visant à améliorer la situation des femmes souffrant de séquelles des MSF ont été développées à partir des années 1990 sous différentes formes14. Certaines ont été évaluées dans le cadre de recherches cliniques et font maintenant l’objet de recommandations médicales de l’OMS (Organisation mondiale de la Santé). C’est le cas des opérations de dés-infibulations et de « reconstruction vulvaire » pour le traitement des complications liées aux MSF de Type III, c’est-à-dire incluant la couture ou la coalescence des grandes lèvres de la vulve féminine. Développées en parallèle les prises en charge des répercussions liées aux clitoridectomies sont quant à elles encore en cours d’évaluation par les autorités de santé nationales et internationales, et les études cliniques demeurent peu nombreuses.
68La France joue là un rôle moteur puisqu’elle est le seul pays, suivie en 2014 par la Belgique, à avoir développé une prise charge chirurgicale reconnue, remboursée par l’assurance maladie, et disponible dans 18 services hospitaliers publics, répartis sur tout le territoire hexagonal, avec une approche pluridisciplinaire de soins aux femmes excisées (gynécologues-obstétricien.ne.s ou urologues, sages-femmes, psychologues, sexologues, anesthésistes, personnels infirmiers et aides-soignants formés).
La réparation clitoridienne ou « transposition du clitoris »
- 15 Stéphane Bounan, « Mutilations sexuelles féminines : principe et place de la transposition chirur (…)
69Si les opérations de dés-infibulation ont été présentées par l’OMS comme des recommandations pour les femmes ayant subi des mutilations de type III, la situation est à l’heure actuelle différente pour les chirurgies de réhabilitation du clitoris qui restent une offre de soins peu répandue et en cours d’évaluation15. Elle est pratiquée de façon payante dans quelques pays de l’Afrique de l’Ouest francophone, comme le Sénégal, le Burkina-Faso et le Mali ; et parfois en chirurgie esthétique avec des tarifs exorbitants aux États-Unis, au Canada, en France, en Belgique, en Allemagne, en Suède et en Suisse.
70Quant au Dr Denis Mukwegue, prix Nobel de la paix 2018, les opérations qu’il pratique sont différentes. Les femmes, les adolescentes et les fillettes qu’il « répare » ont été victimes de violences de guerre et non de pratiques rituelles.
Conclusion
- 16 Geneviève Fraisse, Du consentement – Édition augmentée, Paris, Éditions du Seuil, 2017 et Nicole- (…)
71Lorsqu’il s’agit des violences faites aux êtres humains, en particulier faites aux femmes et enfants, dans ce qui touche leur intimité (violences sexuelles, en général durant l’enfance), parler de « réparation » est toujours délicat. Car les êtres humains bien que constitués de chair et de sang ne sont pas des appareils électriques défectueux que l’on doit à tout prix « réparer », que ce soit sur le plan de la justice ou sur le plan médical. Les principales intéressées doivent avoir le droit à titre individuel et librement de choisir ou non un mode de « réparation ». Et nul ne peut leur garantir qu’elles seront comme avant, « à l’identique », car leurs MSF, ont (ou auront) des répercussions variables tant sur le plan physique, psychologique, ou sexuel. Une fois de plus se pose la question du consentement16.
72Enfin, la justice via entres autres la protection de l’enfance en danger ou la santé, via notamment la protection maternelle et infantile, ainsi que les droits sexuels et reproductifs, peuvent aussi agir préventivement, bien en amont de la « réparation » et c’est bien là l’objectif premier. Comme dit le dicton populaire « mieux vaut prévenir que guérir ! ».Haut de page
Bibliographie
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RUDE-ANTOINE (Edwidge) (dir.), L’immigration face aux lois de la République, Éditions Karthala, Paris, 1992.Haut de page
Notes
1 Conformément aux recommandations de l’Académie nationale de Médecine (France), nous optons pour la terminologie Mutilations sexuelles féminines (MSF), au lieu de la dénomination internationale Mutilations génitales féminines (MGF), dans la mesure où seul théoriquement est atteint l’organe sexuel féminin (a-minima le prépuce et/ou le gland du clitoris) et que cela n’intervient pas dans la capacité de la femme à procréer ou non. Académie nationale de Médecine, Lesmutilationssexuellesféminines. Un autre crime contre l’humanité. Connaître, prévenir, agir, Supplément au Bulletin del’Académienationaledemédecine, 188, n°6, séance du 10 juin 2004, Paris, Académie de Médecine éditeur, 2005.
2 Isabelle Gillette-Faye, « Lutter contre l’excision », Les Temps Modernes, Éditions Gallimard, N°698, 2018/2, 2018, p. 20-30.
3 Armelle Andro, Marie Lesclingand, « Les mutilations sexuelles féminines : le point sur la situation en Afrique ou en France », Populations et sociétés, n°438, 2007, 4 pages.
4 Ngianga Bakwin Kandala, Martinsixtus Ezejimofor, Olalekan A. Uthman et al., «Secular trends in the prevalence of female genital mutilation/cutting among girls: a systematic analysis», 3(5), BMJ Glob Health, 2018.
5 Corinne Fortier, « Sculpter la différence des sexes. Excision, circoncision et angoisse de castration dans la société maure de Mauritanie », Penser le corps au Maghreb, Paris, Monia Lacheb (éd.)/Karthala/ IRMC (Hommes et sociétés), 2012, p. 35-66.
6 Les délais de prescription en cas de viol pour les mineurs sont passés de 20 à 30 ans, après la majorité depuis la loi du 6 août 2018. Cette dernière n’étant pas rétroactive, les victimes se voient encore appliquer le délai de 20 ans, pour les faits antérieurs. Mais cela ne concerne pas les MSF.
7 Isabelle Gillette-Faye, La Judiciarisation de l’excision : historique, Paris, Édition GAMS, novembre 1997 (dernière édition revue et corrigée avec Barbara Juhasz, en décembre 2018).
8 Isabelle Gillette-Faye, ibid.
9 Isabelle Gillette, La polygamie et l’excision dans l’immigration africaine en France, analysées sous l’angle de la souffrance sociale des femmes, Collection thèse à la carte, Lille, Presses Universitaires du Septentrion, 1998.
10 GuinéeNews, en date du 13 août 2014.
11 Pierre Cochez, « Un patient travail contre l’excision », La Croix, 6 mai 2016.
12 Kardiatou Traoré, Afrik.com, 26 novembre 2014 et AFP/Newsnet, Tribune de Genève, 21 novembre 2014.
13 AFP, repris par le Faitreligieux.com, le 22/11/2014.
14 Pour un article plus complet et plus documenté sur ce sujet : Armelle Andro, Marie Lesclingand, « Les mutilations génitales féminines. État des lieux et des connaissances », Population 2016/2 (Vol. 71), 2016, p. 224-311.
15 Stéphane Bounan, « Mutilations sexuelles féminines : principe et place de la transposition chirurgicale du clitoris », Len médical, Gynécologie pratique, avril 2016.
16 Geneviève Fraisse, Du consentement – Édition augmentée, Paris, Éditions du Seuil, 2017 et Nicole-Claude Mathieu, « Quand céder n’est pas consentir. Des déterminants matériels et psychiques de la conscience dominée des femmes, et de quelques-unes de leurs interprétations en ethnologie », dans L’arraisonnement des femmes. Essais en anthropologie des sexes, réunis par Nicole-Claude Mathieu, Paris, Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales, 1985, p. 169-237.Haut de page
Pour citer cet article
Référence papier
Isabelle Gillette-Faye, « État des lieux des mesures législatives contre les mutilations sexuelles féminines », Droit et cultures, 79 | 2020, 77-95.
Référence électronique
Isabelle Gillette-Faye, « État des lieux des mesures législatives contre les mutilations sexuelles féminines », Droit et cultures [En ligne], 79 | 2020/1, mis en ligne le 26 octobre 2020, consulté le 05 juillet 2021. URL : http://journals.openedition.org/droitcultures/6031